Un colloque important de l’Académie Vétérinaire de France

À l’invitation de Jean Roch Gaillet, Président de l’Académie Vétérinaire de France et de Christian Dumon, Président honoraire, Bernard Greffeuillle, Président de l’Académie de la Viande a participé, ce 21 septembre, au colloque organisé autour d’un thème brûlant d’actualités : Elevage et Société.

Une  heureuse initiative pour consolider les liens entre Académie Vétérinaire et Académie de la Viande. Jeanne Brugères Picou et Jean-Luc Angot membres éminents des deux académies ont également participé à cette manifestation.

Ouvert par une intervention en Visio du ministre de l’agriculture, Marc Fesneau, le colloque a bénéficié d’une intervention remarquée de l’ancien ministre aveyronnais, Jacques Godfrain.

L'intérêt des aliments d'origine animale pour assurer les besoins nutritionnels de base et pas seulement en protéines

Philippe Legrand, ingénieur et Docteur es sciences en physiologie de la nutrition

Philippe Legrand a mis en lumière l’importance des aliments d’origine animale dans l’alimentation humaine, au-delà de leur simple apport en protéines. Son argumentation s’appuie sur des études de préhistoire, des recherches scientifiques et des observations médicales, indiquant que ces aliments jouent un rôle clé dans la réduction des maladies et mortalités dues à des carences nutritionnelles.

Nature Omnivore de l’Homme : L’Homme est un être omnivore, une conclusion tirée des études sur la préhistoire et des observations médicales.

Risques liés à l’éviction de Produits Animaux : La suppression ou la réduction drastique de la consommation de produits d’origine animale peut engendrer des risques pour la santé, notamment en fonction de l’âge et du statut physiologique de la personne (enfants, femmes enceintes, personnes âgées, etc.).

Nutriments Essentiels : Les aliments d’origine animale sont une source indispensable de nombreux nutriments autres que les protéines, notamment la vitamine B12, le fer, l’iode, le zinc, le calcium, les vitamines A et D, et les acides gras oméga-3 à longue chaîne (DHA).

Philippe Legrand souligne que le débat sur la transition alimentaire ne devrait pas être réduit à une simple question de protéines. Il appelle à une approche plus nuancée, qui tient compte des nombreux nutriments que les aliments d’origine animale peuvent apporter. Il met en garde contre les risques inhérents à l’éviction de ces produits de notre alimentation, surtout pour les groupes vulnérables tels que les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées.

L’intervention de Philippe Legrand a été un rappel éloquent de l’importance des aliments d’origine animale dans notre alimentation, pas seulement comme sources de protéines mais aussi comme vecteurs de nombreux autres nutriments essentiels. Cette perspective devrait être un élément central dans toute discussion sur les futurs modèles alimentaires et les politiques de santé publique.

La légitimité de l'élevage dans les pays du Sud

Barbara Dufour, Professeur émérite à l'Ecole Nationale vétérinaire d'Alfort, Présidente d'Agronome et vétérinaire sans frontières (AVSF)

Le Professeur Barbara Dufour a abordé la question de l’importance et de la légitimité de l’élevage dans les pays du Sud. À l’heure où l’élevage est remis en question dans les pays développés en raison des considérations climatiques et éthiques, la consommation de viande est en augmentation dans les pays du Sud. Avec l’organisation non gouvernementale Agronomes et Vétérinaires sans frontière (AVSF), elle plaide pour un élevage responsable et familial qui bénéficie aux petits paysans des pays du Sud.

Contrairement aux pays du Nord, où l’élevage est surtout perçu comme une source de protéines, dans les pays du Sud, il apporte un éventail de services essentiels.

L’élevage est complémentaire à l’agriculture paysanne locale en valorisant les résidus des cultures, en fournissant la force de traction animale et en produisant des engrais écologiques.

L’élevage permet de tirer profit de terrains difficiles à cultiver en raison de l’aridité ou des conditions climatiques extrêmes.

L’élevage fournit des aliments comme le lait ou les œufs, ainsi que des matériaux comme les fibres textiles ou le cuir, qui peuvent être sources de revenus pour les communautés locales.

C’est un outil de capitalisation contre la Pauvreté : L’élevage est souvent un outil clé pour aider les communautés paysannes à sortir de l’extrême pauvreté.

Le Professeur Dufour souligne que l’élevage a un rôle beaucoup plus complexe et bénéfique dans les pays du Sud que ce que l’on pourrait croire depuis une perspective occidentale. Son intervention appelle à une prise de conscience sur la nécessité de soutenir des modèles d’élevage responsables qui respectent à la fois les besoins des communautés locales et l’environnement.

L’intervention du Professeur Barbara Dufour a ajouté une nouvelle dimension au débat sur l’élevage et la consommation de produits d’origine animale. Elle a démontré que dans le contexte des pays du Sud, l’élevage est non seulement un moyen de subsistance pour de nombreuses communautés mais également un levier de développement durable et d’amélioration des conditions de vie. Ce point de vue enrichit et complexifie les discussions autour de l’élevage, et incite à une réflexion plus globale et nuancée.

L'élevage en France et en Europe : Caractéristiques, Systèmes et Pratiques - Perspectives d’Évolution

Boris Duflot, directeur Economie à Idele-Institut de l'Elevage

Boris Duflot a offert un aperçu exhaustif de la diversité et de la complexité de l’élevage en France et en Europe. Mettant en lumière les défis et les opportunités auxquels sont confrontés les éleveurs, il a examiné les différentes dynamiques, des gains de productivité aux contraintes environnementales, qui façonnent le secteur.

Diversité des Systèmes : Le paysage de l’élevage en France et en Europe est varié, influencé par divers facteurs tels que le climat, le sol et les objectifs économiques.

 Les choix des éleveurs sont influencés par plusieurs objectifs, notamment le niveau et la stabilité de leurs revenus.

La capacité à recruter et à fidéliser la main-d’œuvre est devenue une contrainte majeure dans le secteur de l’élevage.

Des progrès significatifs ont été réalisés en matière de productivité, bien que ces gains tendent à s’essouffler dans certaines régions.

La nécessité de s’aligner sur des pratiques plus durables représente un défi supplémentaire pour les éleveurs et leurs partenaires.

L’intervention de Boris Duflot soulève d’importantes questions sur l’avenir de l’élevage en France et en Europe. Face à la transition agro-écologique, il devient crucial de trouver des leviers d’adaptation qui permettront aux éleveurs de respecter les contraintes environnementales sans compromettre la viabilité économique de leurs exploitations. Les politiques publiques, les incitations et le soutien aux pratiques durables seront donc des éléments clés pour l’avenir du secteur.

L’analyse de Boris Duflot nous rappelle que l’élevage est un secteur en constante évolution, influencé par une multitude de facteurs économiques, environnementaux et sociaux. Sa conférence a mis en évidence les défis et les opportunités qui se posent actuellement, et elle invite à une réflexion approfondie sur les meilleures façons de soutenir un élevage à la fois économiquement viable et écologiquement responsable. Il est clair que la voie à suivre nécessitera une collaboration étroite entre les éleveurs, les décideurs politiques et les autres parties prenantes de la filière.

Élevage et Territoire : Quelles Interactions

Le Professeur Benoît Dedieu a abordé le rôle complexe de l’élevage dans le tissu des territoires, mettant en lumière les interactions entre les acteurs locaux, les pratiques d’élevage et l’environnement. À partir d’une synthèse de recherches réalisées en France et dans d’autres pays, il a exploré de nouvelles pistes de réflexion sur la place de l’élevage dans les territoires, y compris les concepts d’économie circulaire et de plans alimentaires territoriaux.

Il a souligné la nécessité d’une vision équilibrée et nuancée de l’élevage dans le contexte territorial. Les nouvelles pistes de réflexion qu’il a introduites, comme l’économie circulaire et les plans alimentaires territoriaux, suggèrent que l’élevage peut être réinventé pour mieux répondre aux défis contemporains tout en valorisant ses contributions positives.

Professeur Benoît Dedieu, directeur de recherche à l'INRAE

L'élevage de Ruminants et son Rôle dans des Systèmes Alimentaires Durables

Jean-Louis Peyraud, ingénieur de l'ENSA de Rennes, chercheur l'INRAE

Le Professeur Jean-Louis Peyraud a apporté une analyse approfondie des systèmes d’élevage bovin en France, tout en soulignant les nouveaux défis auxquels le secteur est confronté. Il a abordé des questions essentielles comme le changement climatique, la biodiversité, et l’utilisation durable des ressources. Sa présentation a mis en avant le potentiel des systèmes d’élevage à évoluer de manière à contribuer positivement aux systèmes alimentaires durables et à l’écosystème en général.

Avec une société de plus en plus soucieuse de l’environnement, l’élevage bovin est confronté à des défis tels que la réduction des émissions de méthane, la réduction de l’utilisation du soja importé et la gestion durable des ressources comme l’eau.

Les ruminants ont une capacité unique à valoriser la cellulose, un glucide essentiel produit par la photosynthèse, ce qui peut contribuer à des systèmes alimentaires durables.

Les prairies offrent de nombreux services tels que le stockage du carbone, la régulation des flux d’eau et d’azote, et la biodiversité. Les systèmes d’élevage peuvent être intégrés de manière à maximiser ces avantages.

Les pratiques d’élevage doivent évoluer en profondeur pour s’adapter aux défis contemporains. Cela inclut la transition vers des modèles agroécologiques qui permettent de reboucler les cycles biogéochimiques.

Le professeur Peyraud a noté la nécessité d’améliorer les systèmes d’évaluation pour mesurer l’impact multifonctionnel de l’élevage sur l’environnement et la société.

Communication du Docteur Bertrand Ridremont sur la Déclaration de Dublin des Scientifiques sur le Rôle Sociétal de l'Élevage

Bertrand Ridremont, Membres de l'Académie Vétérinaire de France

Le Dr. Bertrand Ridremont a discuté de la Déclaration de Dublin, dont nous avions rendu compte en fin d’année 2022 grâce à notre collègue Jean-François Hocquette qui avait participé au congrès International de Dublin. Cette déclaration vise à apporter un éclairage scientifique sur le rôle complexe et souvent débattu de l’élevage dans la société. La Déclaration, qui a déjà reçu de nombreuses signatures au niveau mondial cherche à présenter une vision nuancée des avantages et des défis liés à l’élevage.

Cette initiative aspire à fournir une base factuelle, élaborée par la communauté scientifique, sur le rôle de l’élevage dans des contextes variés : environnement, santé humaine, et socio-économie.

La Déclaration de Dublin ne peut être signée que par des scientifiques actifs dans des domaines de recherche, d’enseignement, de publication ou de représentation.

La Déclaration aborde de manière exhaustive les aspects positifs et négatifs de l’élevage, incluant son impact sur la santé humaine, l’environnement et l’économie.

Le document vise à offrir une vision équilibrée sur l’avenir de l’élevage, mettant en avant non seulement les défis mais aussi les solutions et les avantages inhérents à cette activité.

L’intervention du Dr. Ridremont a permis de mettre en lumière l’importance d’aborder la question de l’élevage d’une manière scientifique et équilibrée. La Déclaration de Dublin représente un effort significatif pour établir un discours basé sur des preuves et sur une compréhension nuancée du rôle de l’élevage dans la société moderne.

la Transition Agroécologique dans les Filières Porcines et Aviaires : L'Exemple des Systèmes Alternatifs

Maxime Delsart, chef du département des productions animales et de santé publique de l'Ecole nationale vétérinaire d'Alfort

Le Professeur Maxime Delsart a mis en lumière les aspects de la transition agroécologique dans les filières porcines et aviaires. Il a discuté des avantages et des défis associés aux systèmes de production alternatifs, notamment les systèmes plein-air.

Face à la demande croissante pour le bien-être animal, des systèmes de production alternatifs se développent. En aviculture, le Label Rouge est un exemple notable qui impose un accès plein-air aux poulets.

Les animaux en plein-air ont l’occasion d’exprimer un éthogramme plus large, et les porcs semblent moins sensibles aux maladies respiratoires.

Les systèmes alternatifs présentent des défis en termes de gestion de l’alimentation, de l’abreuvement, des températures, et des prédateurs.

Les mesures de biosécurité sont plus difficiles à appliquer en plein-air, et la gestion du parasitisme représente un défi supplémentaire.

Les systèmes plein-air ont tendance à présenter une prévalence plus élevée de pathogènes zoonotiques, ce qui pourrait poser un risque pour la santé humaine.

L’intervention du Professeur Delsart souligne que, bien que les systèmes alternatifs répondent à une demande croissante pour le bien-être animal et la durabilité, ils présentent également des défis considérables. Ces systèmes nécessitent une attention particulière pour équilibrer les avantages et les inconvénients en termes de bien-être animal, de biosécurité et de santé publique.

l'Implication des Vétérinaires Praticiens dans la Transition Écologique des Élevages

Le Professeur Philippe Jacquiet a mis en évidence l’urgence et la complexité de la transition agroécologique dans l’élevage, tout en montrant comment les vétérinaires peuvent être des acteurs clés dans cette transformation. La nécessité d’une réorientation de la formation vétérinaire et d’une révision des modèles économiques associés étaient parmi les points saillants de son intervention.

Les vétérinaires praticiens sont positionnés comme des acteurs clés pour accompagner cette transition, non seulement avec les éleveurs mais aussi avec diverses organisations liées à l’agroécologie et à la conservation.

Le premier principe agroécologique est d’adopter une gestion de santé intégrée, en minimisant le recours aux traitements antibiotiques et antiparasitaires de synthèse, et en favorisant la santé globale de l’animal.

Le second principe encourage la réduction des intrants alimentaires et valorise l’utilisation de la ressource herbagère, nécessitant une connaissance approfondie de cette ressource par les vétérinaires.

Une évolution dans la formation des étudiants en médecine vétérinaire est nécessaire pour les préparer à ces nouveaux défis, notamment en médecine collective et en évaluation multicritères des élevages.

La transition agroécologique implique également la création de nouveaux modèles économiques où le conseil peut être rémunéré à sa juste valeur.

Cela fait écho à l’ensemble du colloque, soulignant une fois de plus la nécessité d’une approche multidisciplinaire et intégrée pour aborder les défis auxquels le secteur de l’élevage est confronté.

Technique de laboratoire nouvelle, telles que l’analyse génomique, permettant de mieux analyser les risques et de mieux cibler les surveillances à mettre en place dans les élevages.

Sécurité sanitaire des aliments

Anne-Marie Vanelle, inspecteur général honoraire de la santé publique vétérinaire

Le Docteur Anne-Marie Vanelle a centré son intervention sur l’importance cruciale des vétérinaires dans la sécurité sanitaire des aliments, en lien avec la stratégie du « Pacte vert » de la Commission européenne. Elle a souligné le rôle des vétérinaires non seulement dans la détection et la prévention des maladies zoonotiques mais aussi dans la surveillance des contaminants dans les produits alimentaires d’origine animale.

Pacte Vert et « De la Ferme à la Table »: L’initiative de la Commission européenne renforce le rôle du vétérinaire dans la chaine alimentaire, du producteur au consommateur.
Une seule santé: Les vétérinaires sont considérés comme les premiers acteurs de la surveillance de la contamination des produits animaux par des résidus tels que des antibiotiques ou des contaminants environnementaux (dioxines, pesticides, etc.).
Visites Sanitaires Obligatoires: Les vétérinaires jouent un rôle incontournable dans la collecte des données nécessaires pour le contrôle des matières premières dans les élevages.
Collaboration Interdisciplinaire: Le rapprochement entre médecins et vétérinaires, soutenu par l’emploi de nouvelles techniques de laboratoire comme l’analyse génomique, améliorera l’efficacité des investigations sur les maladies d’origine alimentaire.
Les défis sont nombreux, mais l’importance de la contribution des vétérinaires à la santé publique n’a jamais été aussi évidente.

Le vétérinaire, tiers de confiance indépendant au carrefour de l'élevage et de la société

Jean-Luc Angot, Inspecteur Général de santé publique vétérinaire, Vice président de l'Académie de la Viande

‘intervention de Jean-Luc Angot a mis en lumière le rôle essentiel du vétérinaire comme intermédiaire de confiance entre l’élevage et la société. Sa double casquette de professionnel de santé et de communicant le positionne idéalement pour assurer la liaison entre les éleveurs, les institutions et le grand public. Grâce à ses missions variées allant de la sécurité sanitaire à la santé publique, le vétérinaire se distingue comme un pilier incontournable du concept « One Health ». Cette présentation souligne l’importance d’un vétérinaire bien informé et engagé, capable de concilier les besoins des animaux, des éleveurs et de la société.

Le support de son intervention peut-être consulté sur le lien ici.

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