Disparition brutale de notre ami Charles Maignien

Le mardi 19 avril 2022, au beau début de l’après-midi, notre ami, mon ami Charles Maignien est décédé d’une crise cardiaque dans la jardin de la maison familiale de cet Ardèche qu’il aimait tant, dans ce petit village de 400 habitants, Saint Martin de Lavezon, où il  est enterré en ce moment même.
 
Charles est un enfant de ce pays rude et attachant.
Il est né en 1949 à Aix en Provence et il passera son enfance dans ce coin de l’Ardèche où son père, issu d’une belle  famille de la bourgeoisie marseillaise, a choisi la rupture pour s’installer berger.
 
Il grandit au milieu des forêts de châtaigniers, des champs et des brebis avec ses 3 frères et sœur.
 
En 1967, la vocation ovine rivée en lui, il entre à l’école des bergers de Rambouillet où, diplôme en poche, il s’occupera du fameux troupeau Mérinos.
 
En 1970, l’armée a besoin d’un berger. Alors, comme volontaire de l’Aide Technique Agricole, il embarque sur le GALLIENI pour rejoindre pendant 2 ans les KERGUELEN, où il aura sur la base du Port des Français, la charge de s’occuper d’un troupeau de 1000 têtes de Bizet, de Merinos de Madagascar, et d’Île de France;
 
Entre l’Île longue, l’île du Château, et l’île aux moules, il fera tout : tri des ovins, soins du troupeau, tonte, reproduction et accouplements raisonnés, abattages pour nourrir la petite garnison.
 
Il apprendra beaucoup de ces terres Australes battues par les vents, livrées aux 50émes rugissants, où la vie solitaire au milieu de cette nature sauvage et presque hostile lui fera prendre une conscience aiguë de la liberté et de la beauté incroyable de la vie et du monde.
 
En 1972, il rentre en métropole, en Côte d’Or où il occupe successivement le poste d’animateur du syndicat ovin, puis de responsable  technique de la section ovine de la SICAV 21, et enfin de chef de services à la Chambre régionale d’Agriculture où il sera détaché pour prendre en main les destinées du tout jeune Comité Régional d’Interbev constitué en 1985 pour la Bourgogne.
 
Pendant cette période, il structurera l’activité syndicale ovine du département et de la région, il mettra en place la Fédération  Régionale Ovine, puis l’Union Régionale Interprofessionnelle de Bourgogne Franche Comté, et l’Association Ovine du Grand Est avec des figures tutélaires comme Xavier Pelzer et Pierre Duthu.
 
Détaché auprès d’Interbev pour gérer la logistique de l’organisation des nombreux salons auxquels participe l’Interprofession tant au niveau national que sur les places européennes et sur la Russie, il se consacrera à la vie interprofessionnelle bovine et ovine en y mettant  toute son énergie, ne comptant ni son temps, ni sa fatigue.
 
Chacun de ceux qui l’ont connu durant cette période se souviendra de cette blouse blanche qui se glissait furtivement et sans bruit dans les arcanes du stand au Salon de l’Agriculture pour s’enfermer dans son local technique, veiller sur les stocks, et assurer l’approvisionnement permanent de cette incroyable machine de guerre.
 
Charles sera reconnu et adoubé par ses pairs pour ses connaissances et son expérience : Chancelier de l’ambassade du Charolais, membre de la société d’ethnozootechnie, membre de la fédération  des musées de l’agriculture et du patrimoine rural, vice président de l’association des compagnons de la Bergerie Nationale, il sera Officier du Mérite Agricole pour services rendus à nos filières.
 
Homme de la coopération, il aura été successivement  coopté par le négoce privé pour l’obtention de cette distinction, ce qui est la plus belle preuve de son esprit de consensus et de concorde interprofessionnelle ;
 
Charles, sur un plan plus personnel, était une personne on ne peut plus attachante : Homme de grande culture, il était passionné par l’histoire de France, en particulier celle de l’ancien régime et de la guerre de 1870 durant laquelle son grand père avait combattu comme officier.
 
Il était, pour ceux qui ont eu la chance de le rencontrer, de croiser son chemin, et de travailler à ses côtes, un homme d’une grande discrétion, portant une attention permanente aux autres, du plus modeste au plus important.
 
Fidèle en amitié, fondamentalement honnête et rigoureux, sa droiture était un exemple pour tous.
Charles était aussi un « Homme à Femmes car les quatre points cardinaux de son amour incommensurable étaient sa femme Jocelyne, et ses trois filles Armelle, Anne et Agnès.
Et cette magnifique boussole complétait la trajectoire de sa route d’une petite étoile qui s’appelait Sarah.
 
Avec la disparition de Charles, l’Académie de la viande perd un de ses membres discret mais attentif.
Les filières Bovine et Ovine perdent un grand serviteur.
 
Ceux qui ont traversé sa route, qui l’ont côtoyé, et partagé tant d’aventures communes avec lui perdent  un complice, un ami, un frère.
 
 Aujourd’hui, une belle lumière vient de s’éteindre, mais elle continuera à briller en chacun de nous qui furent ses proches, à nous éclairer et nous réchauffer dans les moments de doute, d’inquiétude, et de tristesse parfois.
 
Charles Maignien, Lucien Dupard, Jean Morand et moi même formions une équipe formidable et unique, que beaucoup dans la diversité de  notre milieu professionnel, ont connu et rencontré
 
Sur les salons,  cette équipe, qui avait rassemblé autour d’elle des visages comme celui disparu de Daniel Liège, ou celui toujours fidèle de Thierry Gibilaro,  cette équipe  on  l’ appelait  les quatre mousquetaires.
 
Aujourd’hui, en ce 22 avril 2022, à 15 heures, les mousquetaires enterrent le meilleur d’entre eux.
 
Mais il restera à jamais en chacun d’entre nous, car il a su allumer et nourrir au plus profond de nous même les braises d’un feu qui ne s’éteindra pas.
 
 
 
Royan le 22 avril 2022
 
Jacques GIROUX