Assemblée Générale du 2 mars 2018

Cette réunion s’est déroulée en deux temps d’abord un débat sur « l’homme et les animaux » avec les interventions d’Etienne Bimbenet, philosophe et de Jacques Servière, neurobiologiste, puis l’assemblée générale ordinaire de l’Académie.

En introduisant la réunion, René Laporte, secrétaire de l’Académie informe l’Assemblée que le président François Landrieu est empêché et qu’il lui a demandé de bien vouloir présider cette réunion ce que l’Assemblée approuve.

Interventions

Présentation par Etienne Bimbenet de son dernier ouvrage « Le complexe des trois singes ».

Etienne Bimbenet introduit son intervention en explicitant « Le complexe des trois singes » : ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire, tiré de la symbolique chinoise (Confucius).
Dans l’analyse des différences ou ressemblances entre l’homme et l’animal, il convient en effet d’éviter trois aveuglements :

  • L’aveuglement naturaliste en rapport avec les sciences de la vie, qui insistent souvent sur les minimes différences biologiques entre l’homme et l’animal (par exemple la fameuse proximité génétique : plus de 98% de gènes communs entre nous et les chimpanzés), et ce au détriment de ce que les sciences humaines peuvent nous apprendre sur la question.
  • L’aveuglement antimétaphysique, persuadé qu’une différence forte entre hommes et animaux nous ramènerait forcément en arrière, vers l’anthropocentrisme et la théologie.
  • L’aveuglement moraliste, qui considère qu’une différence anthropologique forte serait nécessairement discriminatoire à l’égard des animaux, et justifierait l’exploitation sans scrupule. La bonne approche n’est pas de gommer les différences, mais de les assumer et de se poser alors la question : « Que peut-on faire de mieux ? »
    Du « Darwinisme évolutionniste » on est passé à un « Darwinisme social » faisant de l’animal un objet de discrimination qui aujourd’hui serait devenu une victime de l’homme.
Peter Singer avec son livre « La libération animale » paru dans le années soixante-dix a développé ces idées d’un nouveau combat pour la libération des animaux après celle des esclaves, des femmes.

On peut ainsi assumer qu’une vraie différence distingue l’homme des animaux, en se référant d’abord à la dimension culturelle de l’évolution humaine. Dans l’évolution du singe à l’homme le redressement de l’homme a permis la libération des mains, de la bouche et enfin du volume cérébral, enchainements qui ont permis en particulier le développement des manipulations techniques et du langage, et par là l’accumulation des savoirs et de la culture (voir le livre d’André Leroi-Gourhan, Le geste et la parole).

On peut également examiner les types de conscience qui sont en jeu. La conscience animale est une conscience pratique, en rapport avec le milieu de vie et les actions possibles de l’animal (Umwelt) : vivre, se nourrir, marquer son territoire, se reproduire, etc. Ce qui n’intéresse pas ou ne fait pas sens pour l’animal (attirance, obstacle, danger…), il n’a pas de raison de le percevoir. L’homme en revanche, à travers des institutions comme le langage, la pédagogie ou l’accumulation du savoir, peut s’intéresser à l’ensemble des choses pour elles-mêmes. Lorsqu’il désigne les choses par des mots, il crée un monde commun qu’il considère ouvert à tous les vivants possibles.
En conclusion Etienne Bimbenet propose un « anthropocentrisme élargi », car c’est bien l’homme qui est au centre et c’est lui qui a la responsabilité de bien traiter les animaux, en particulier en leur donnant des droits, ou plutôt en définissant nos devoirs envers les animaux. Pourquoi pas alors, puisque la responsabilité nous en incombe, changer notre vision de l’animal et favoriser chez eux une « vie bonne », c’est-à-dire aller vers plus de bien-être et de respect ?

Intervention de Jacques Servière : Que savons-nous des formes de Conscience chez les espèces animales ?
Jacques Servière reprend les principales analyses de l’expertise scientifique réalisée par L’Inra sur la conscience animale à laquelle il a participé.

Assemblée générale ordinaire

René Laporte a donné lecture du rapport moral et d’activité pour l’année 2017 :
« Mesdames, messieurs, chers amis académiciens

Je suis heureux de vous retrouver nombreux dans ces locaux de la DGAL dont nous devons la disponibilité à l’intervention amicale et efficace de notre ami et collègue Jean Luc Angot, qu’il en soit ici remercié.
Je remercie aussi et tout de suite les personnalités qui sont intervenues devant nous ce matin, le professeur Etienne Bimbenet et bien entendu notre collègue Jacques Servière.

Chers amis et collègues, l’Académie de la Viande est composée à cette date de 47 membres, sur les 50 fauteuils disponibles. Nous avons accueilli en cours d’année comme membre correspondant, notre ami argentin Luis Barcos. Et je vous proposerai tout à l’heure de faire entrer dans notre compagnie un 48e membre, M. Bruno Millet.

L’exercice du rapport moral devant l’assemblée générale annuelle n’est sans doute pas le moment le plus dynamique d’une réunion, et je vais donc tenter d’aller vite et à l’essentiel. J’y suis aidé, en particulier cette année, par le fonctionnement très amélioré de notre site internet qui, à la suite des décisions ces deux dernières années, a été repris en main avec ardeur et compétence par Brigitte Richon et Jean Louis Bignon, que nous devons remercier et féliciter. Je ne saurais trop vous conseiller de le visiter régulièrement, vous y verrez l’activité de l’académie régulièrement rapportée et mise à jour.
Dans l’immédiat, cela va me dispenser de vous faire un compte rendu exhaustif de nos réunions et décisions. Je vais quand même en rappeler l’essentiel, ne serait-ce que pour éclairer le vote de votre quitus à l’issue de ce rapport.

Après notre AG 2017, tenue ici même le vendredi 3 mars, nous nous sommes retrouvés le 30 mai à Rungis pour une très intéressante réunion plénière. Elle nous a permis de vérifier les derniers aménagements des installations de grossistes, en viandes et abats, en volaille aussi.
Nous devons cette visite parfaitement documentée, à notre ami académicien Francis Fauchère qui est, rappelons-le, président des Grossistes en viandes du MIN de Rungis. Avec Olivier Metzger, académicien lui aussi, ils ont fait état des dernières restructurations du secteur en insistant sur deux aspects : le choix dans les approvisionnements et le travail des viandes pour offrir des produits de qualité à une clientèle de bouchers et de restaurateurs. Au pavillon des abats, c’est également un académicien qui nous a accueillis, Jean Jacques Arnoult, président de la Confédération de la Triperie.
On ne passera pas sous silence l’excellent déjeuner qui a suivi, notamment parce qu’il nous a permis d’accueillir comme académicien correspondant notre ami et désormais collègue Luis Osvaldo Barcos, ancien chef des Services vétérinaires argentins et délégué régional de l’OIE pour les Amériques et qui souhaite créer dans son pays une académie de la viande s’inspirant de la nôtre.

Pour notre séance plénière du 17 octobre, nous nous sommes intéressés aux « fausses viandes », ou plus précisément à toute ces démarches scientifiques pour certaines, purement commerciales pour d’autres, qui visent à substituer des protéines végétales aux protéines animales dans l’alimentation humaine. Nous avons pour aborder ce problème invité un professionnel directement impliqué dans l’industrie des protéines végétales : M. Denis Chéreau, directeur général d’Improve (Institut Mutualisé pour les protéines végétales).

Avec honnêteté, il nous a rappelé que les protéines végétales sont, aujourd’hui, surtout utilisées pour l’alimentation animale et qu’elles resteront complémentaires des produits animaux dans l’alimentation humaine, même si une tendance semble se dessiner pour une substitution partielle.

Un débat, parfois assez vif, s’est ensuite engagé avec les académiciens. On a souligné que l’Inra a proposé que l’efficacité de transformation des animaux soit mesurée par le rapport protéines consommables par l’homme/protéines animales produites. A titre d’exemple, pour la production de viande bovine on passe alors d’un coefficient de 9,9 à 0,9, ce qui relativise beaucoup la compétition entre alimentation animale et alimentation humaine.

Sur ce sujet des « fausses viandes » nous rappelons la très intéressante conférence donnée par notre ami académicien Jean François Hocquette, dans le cadre des conférences TED ((Technology, Entertainement, and Design). Cet exposé de notre collègue est intégralement disponible sur notre site en version vidéo.

Fausses viandes, mais aussi fausses dénominations, en tout cas vocabulaire abusif. Au cours de la même séance du 17 octobre, nous avons aussi abordé la question des fausses dénominations
C’est François Cassignol, chargé de la communication de Culture Viande, et membre de notre académie, qui a fait le point sur l’usurpation des dénominations des produits de viande et de charcuterie et sur les actions conduites par la filière pour la défense de ce patrimoine : burger « végétal », steaks « veggie », saucisses « végétariennes » etc. Les organisations professionnelles commencent à s’alarmer de cette déviance des mots. L’Académie s’est déclarée prête à épauler leurs actions, par exemple par le biais du Dictionnaire, ou par tout autre moyen à sa disposition.

La réunion du 17 octobre a permis également de choisir le lauréat pour 2017 du Prix de l’Académie de la viande. Nous vous rappelons que ce prix, doté d’un chèque de 1500€, récompense chaque année un livre, un film ou tout objet culturel qui tend à faire comprendre et aimer les métiers et les produits des filières viandes. Après discussion et vote, l’Académie a décidé que :

  • le Prix de l’Académie de la Viande 2017 était attribué au roman La Fête Carnivore, de Catherine Véglio, publié aux Editions Lemieux. Les académiciens ont apprécié la vigueur et la perspicacité avec lesquelles l’auteur décrit un monde futur qui viendrait à être coupé de ses traditions alimentaires, et notamment de la production et de la consommation équilibrée de produits carnés.
  • par ailleurs, l’Académie a décidé de créer un « Prix spécial », doté d’un chèque de 1.000€, qui sera attribué à un ouvrage permettant un progrès dans l’information du consommateur.
    Pour cette première édition, ce prix a récompensé « Le Manuel du Garçon Boucher » publié par Arthur le Caisne aux Editions Marabout.
    La remise de ces prix, à laquelle la plupart d’entre vous ont participé, s’est déroulée au restaurant Le Café des Abattoirs à Paris, le lundi 4 décembre 2017.

Dans ce domaine du débat d’idée et de la défense de nos produits et métiers, nous participons autant que possible aux manifestations de l’actualité. René Laporte a ainsi participé aux Journée Grand Angle organisées par l’Institut de l’Elevage.
Plus récemment, le 18 janvier dernier, René Laporte, François Cassignol et Jacques Servière ont assisté à la conférence organisée à la Sorbonne par France Culture sur le thème de l’Animal. Notre site a fait mention de cette réunion, en inscrivant un lien sur le site de Culture Viande, qui a relaté les débats. René Laporte, décidemment infatigable, a également participé à l’émission sur FR3 Les Carnets de Julie, enregistrée en novembre mais diffusé seulement le 27 janvier dernier.

La plaque de l’Académie de la Viande est devenue un trophée recherché sur les concours d’animaux de boucherie de haute qualité. Depuis deux années que nous attribuons ces distinctions, le prix d’de l’Académie est maintenant bien établis et les lauréats ne manquent pas d’y faire référence. Nous avons pris la décision l’an dernier de distribuer désormais 3 plaques par an.
En 2017 nous avons été ainsi présents sur les marchés de Varennes sur Allier, de Saulieu – où je me suis rendu en compagnie de René Laporte – et de Parthenay. Cette année, en 2018, la plaque de l’Académie sera attribuée lors des concours de Baraqueville le 17 mars, de Valenciennes le 10 mai, de Roanne le 21 octobre. Nous dévons ici remercier très vivement notre collègue Jean-Yves Renard qui, comme président de la Fédération des Concours, a favorisé le développement de ce prix, dont il assume souvent lui-même le protocole de remise.

Pour les temps à venir, nous souhaitons maintenir et affermir ce qui existe de notre travail et de nos manifestations. Il n’est évidemment pas question de multiplier les réunions plénières, mais il serait sans doute possible, et souhaitable, de créer des évènements secondaires, sur des points précis pouvant intéresser certains de nos membres, et permettant notamment la rencontre avec des personnalités intéressantes.
Je pense aussi que notre Dictionnaire mériterait un toilettage et que de nouvelles entrées seraient souhaitables. Il serait donc nécessaire de réactiver les modalités de travail qui ont présidé à la rédaction de l’édition 2012. Notre objectif pourrait être de proposer une version corrigée et enrichie en 2022, dix ans donc après notre première édition.

Avant de clore ce rapport je vous rappelle que nous nous retrouverons tout à l’heure au Salon de l’Agriculture à l’invitation d’Interbev pour un déjeuner sur son stand.

Débat

A la suite au rapport moral, la discussion s’ouvre :
Concernant le dictionnaire de la viande produit par l’Académie en 2012, il est proposé de procéder à une mise à jour avec d’une part de nouveaux mots à introduire et d’autre part des mots existants à actualiser et à préciser. L’accent sera mis sur les dénominations et le vocabulaire relatifs aux morceaux de viande à un moment où l’on constate une usurpation du vocabulaire « viande ». De plus nous pourrions envisager de publier le dictionnaire de la viande sur le site de l’Académie pour le rendre accessible à tous. Ce point sera mis à l’étude pour en évaluer le coût et les modalités.
En complément du dictionnaire, l’académie envisage de rédiger un manuel de dégustation de la viande en développant un vocabulaire spécifique décrivant outre les qualités organoleptiques de la viande, les sensations gustatives et le ressenti lors de sa dégustation. Des séances pratiques de dégustation de viande pourraient accompagner la sortie d’un tel manuel de dégustation.
Pour alimenter le site de l’Académie il est proposé de faire appel à quelques journalistes spécialisés pour produire des interviews, des chroniques ou des articles sur des sujets d’actualité.
L’Académie maintient sa participation aux JSMTV organisée cette année en récompensant un travail de recherche intéressant la viande. Les JSMTV se déroulent tous les deux ans et il a été envisagé, les années sans JSMTV, d’offrir également un prix à des travaux de recherche en s’appuyant sur l’Inra et les Instituts.
Les « fausses viandes » et autres erzats de viande se développent. En usurpant des dénominations viande le consommateur est conduit à penser qu’il s’agit de produits comparables sur le plan nutritionnel. On lui laisse croire que ces « fausses viandes » ont la même composition équilibrée en protéines, les mêmes apports en vitamines, en sels minéraux. L’Académie pourrait accompagner un travail sur la composition nutritionnelle de ces fausses viandes et organiser des dégustations comparées de produits viande et sans viande.

Présentation et nomination de Bruno Millet, nouvel académicien

Le président procède à l’intronisation d’un nouveau membre de l’Académie :
Bruno Millet, Directeur Général Adjoint de la Chambre d’Agriculture de la région Nouvelle Aquitaine.
Après avoir rappelé son parcours professionnel et ses qualités, le Président remet à Bruno Millet la médaille de l’Académie et le reçoit au sein de l’Académie.

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